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Contrôle de l’ordonnance quant aux habilitations des agents
Relatif à la visite domiciliaire, l’article 64 du Code des douanes dispose que l'ordonnance comporte le nom et la qualité du fonctionnaire « habilité » qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite. S'agissant de l'habilitation, en l’espèce du Directeur de la DNRED ayant présenté la requête et donc sollicité l'autorisation du JLD, dont le nom est mentionné sur l'ordonnance, il est rappelé que « si, afin de satisfaire aux prescriptions de l’article 64 (…) précitées, les fonctionnaires désignés pour procéder aux visites domiciliaires doivent être choisis parmi les enquêteurs habilités, une telle exigence ne concerne pas le Directeur ou le chef de service sous l'autorité administrative duquel ils sont placés et dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite susvisées » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), rappelant Cass. crim., 14 janv. 2004, nº 02-86.063).
S'agissant de l'habilitation des agents en l’espèce de la DNRED ayant été autorisés par le JLD à réaliser les opérations de visite et de saisie, il est rappelé aussi que selon l’article 64, « les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites (…) » et que les chefs de service à compétence nationale peuvent signer, au nom du ministre et par délégation l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ; or, la DNRED, créée par arrêté du 29 octobre 2007 (NOR : BCFP0756382A), étant un service à compétence nationale, son directeur, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du directeur général des douanes et droits indirects, dispose donc, d'une délégation pour signer au nom du ministre les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaire (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Le défaut d'habilitation d’un agent allégué par un opérateur n’entraîne pas la nullité de l'ordonnance, s’il est constaté qu'il n'a pas participé aux opérations de visite et de saisie et, s’il y a participé, la question de son défaut d'habilitation est à poser dans le cadre du recours contre les opérations de visite (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Contenu de l’ordonnance
Relatif à la visite domiciliaire, l’article 64 du Code des douanes « n'impose pas au juge des libertés et de la détention de déterminer ab initio dans son ordonnance d'autorisation la liste des biens dont la saisie est poursuivie » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Présence facultative du juge lors des opérations
Selon l’article 64, le JLD « peut » se rendre dans les locaux pendant l'intervention. Jugé qu’aucune disposition de cet article ne prescrit donc que ce juge, désigné sur commission rogatoire de son homologue compétent à raison du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, se rende obligatoirement sur les lieux afin de contrôler les opérations de visite domiciliaire (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Cette faculté s’applique aussi au JLD hors le cas d’une commission rogatoire.
Visite domiciliaire : ordonnance d’extension et présomptions par renvoi
L’article 64 du Code des douanes (2, a) énonce que « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l'existence en d'autres lieux de biens ou avoirs se rapportant aux agissements visés au 1, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisir ces biens et avoirs. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au b du présent 2. ». S’agissant d’une telle ordonnance d’extension qui vise une autre société que celle désignée par l’ordonnance d’autorisation initiale, le juge retient qu’il n’est pas « nécessaire » que l'ordonnance d'autorisation initiale vise « expressément » cette autre société et que l'ordonnance d'extension en visant l'ordonnance d'autorisation initiale « reprend donc implicitement et nécessairement à son compte les présomptions d'agissements frauduleux que cette dernière ordonnance vise » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Ordonnance du JLD dans les termes de celle d’un autre JLD
Jugé sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF (et la solution vaudrait donc aussi par analogie pour l’article 64 du Code des douanes) que la circonstance que des ordonnances soient « rédigées dans les mêmes termes que d'autres décisions visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur leur régularité et ne peut à elle seule laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraudes fiscales » (CA Paris, 24 juill. 2024, nº 23/07327, 42 International Holding et a. c/ Directeur général des finances publiques, rappelant par exemple Cass. com., 12 oct. 2010, n° 09-15.573).
Délai entre la requête et l’ordonnance (non)
Un opérateur fait grief au JLD « d'avoir fait usage d'une ordonnance prérédigée par l'Administration dès lors que la requête et l'ordonnance sont toutes deux datées du 15 juin 2023 » et qu’il est « matériellement impossible d'analyser rigoureusement la requête et l'ensemble de ses pièces jointes (soit des centaines de pages), de se forger une intime conviction sur les présomptions de fraude alléguées et de rédiger une ordonnance, en l'espace d'une seule journée ». Mais pour le juge, l’article 64 du Code des douanes n’institue « aucun délai minimum entre la présentation de la requête et la décision d'autorisation, au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la demande » : le reproche selon lequel le juge n'aurait pas examiné la demande de manière sérieuse ne peut donc être retenu étant précisé que le contrôle effectué est un contrôle des informations et des pièces communiquées par l'administration douanière sur l'existence de présomptions de fraude (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/10898, Superexpress et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Remarquons qu’il avait déjà été statué dans ce sens (CA Paris, 24 janv. 2024, n° 22/19323, Season D et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières).
Licéité de l’origine des pièces soumises au JLD
Un opérateur peut remettre en cause la licéité de l’origine d’une pièce servant à la requête de la Douane. Une pièce ayant été obtenue chez un autre opérateur dans le cadre du droit de visite de l’article 60 du Code des douanes dans sa version non conforme à la constitution, un opérateur estime que son origine n’est pas licite. Mais la cour d’appel de Paris écarte toute origine illicite pour cette pièce : d’une part, le Conseil Constitutionnel a reporté au 1er septembre 2023 la date d'abrogation l’article 60 jugé inconstitutionnel (Cons. const., 22 sept. 2022, n° 2022-1010 QPC ; voir Droit de visite de l’article 60 du Code des douanes : inconstitutionnel, Actualités du droit, 23 sept. 2022) et l’ordonnance est antérieure à cette date ; d’autre part, ce contrôle de conformité à la Constitution opéré par le Conseil Constitutionnel sur l’article 60 ainsi abrogé, fait écran à ce que cette juridiction opère un contrôle de conventionnalité sur le contrôle opéré par les agents des douanes (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Licéité de l’origine des pièces soumises au JLD et droit de communication s’agissant des opérateurs de télécommunications
Dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes, un opérateur relève un défaut de licéité de l’origine des pièces soumises au JLD au motif qu’elles lui ont été communiquées au titre de l’article 65 quinquies du Code des douanes (relatif au droit de communication s’agissant des opérateurs de télécommunications) dont il remet en cause la conformité au droit de l’Union. Mais la cour d’appel de Paris, s’agissant de la conformité au droit et à la jurisprudence européenne de cet article 65 quinquies, rappelle ce qu’a considéré la Cour de cassation dans des arrêts du 12 juillet 2022 (voir notamment Cass. crim., QPC, 12 juill. 2022, n° 21-83.710 et Cass. crim., 12 juill. 2022, n° 21-83.820, B, tous deux visant notamment l’article L. 34-1 du Code des postes et communications électroniques, article lui-même visé par l’article 65 quinquies précité) : afin de pouvoir utiliser ce mécanisme de conservation rapide des données, « il fallait justifier de l'existence de faits relevant de la criminalité grave et un usage limité pour les strictes nécessités d'une enquête déterminée » ; « (…) le droit de l'Union ne s'oppose pas à des mesures législatives prévoyant, aux fins de lutte contre la criminalité grave une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation qui soit délimitée, sur la base d'éléments objectifs et non discriminatoires, en fonction de catégories de personnes concernées ou au moyen d'un critère géographique, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire, mais renouvelable (...) ; le recours à une injonction faite aux fournisseurs de services de communications électroniques, au moyen d'une décision de l'autorité compétente soumise à un contrôle juridictionnel effectif, de procéder, pour une durée déterminée, à la conservation rapide des données relatives au trafic et des données de localisation dont disposent ces fournisseurs de services, dès lors que ces mesures assurent, par des règles claires et précises, que la conservation des données en cause est subordonnée au respect des conditions matérielles et procédurales afférentes et que les personnes concernées disposent de garanties effectives contre les risques d'abus ». Or, il résulte de l’article 64 précité que « les agissements recherchés revêtent un caractère de gravité suffisant pour justifier la mesure d'investigation critiquée » (celle de l’article 65 quinquies) : en application des articles 38 et 428 du Code des douanes, est considérée comme exportation sans déclaration de marchandises prohibées toute infraction aux dispositions, soit législatives, soit réglementaires portant prohibition d'exportation ou bien subordonnant l'exportation à l'accomplissement de formalités particulières lorsque la fraude a été faite ou tentée par les bureaux et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par une autre disposition du présent code ; et ces infractions sont réprimées par l’article 414 du même code (visé par l’article 64), deuxième alinéa, qui prévoit un emprisonnement maximal de 5 ans avec une amende qui peut aller jusqu'à trois fois la valeur de l'objet de la fraude lorsque les faits de contrebande, d'importation ou d'exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
« Simple présomption » dans l’ordonnance et procédure ni à charge, ni à décharge
La cour d’appel de Paris rappelle qu'au stade de la requête de la Douane dans le cadre de la visite domiciliaire, en application des dispositions de l’article 64, le JLD n’a pas à « déterminer si tous les éléments constitutifs des délits douaniers recherchés étaient réunis » mais ne doit rechercher que s'il existe des « présomptions simples des agissements prohibés et recherchés ». Toujours au stade de la requête, la Douane « dispose de toute latitude afin de présenter au juge des libertés et de la détention les pièces qui lui paraissent de nature à fonder les présomptions des agissements prohibés et recherchés », l’article 64 « ne prescrivant pas que l'administration doive présenter des éléments à décharge de l'entreprise faisant l'objet des soupçons ». Cette cour ajoute qu’« il a été jugé et est établi que la procédure d'autorisation de visite domiciliaire devant le juge des libertés et de la détention ne se déroule pas à charge et à décharge » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Contrôle de la proportionnalité par le juge
Selon la cour d’appel de Paris, « en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'administration des douanes à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs. En autorisant les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder à l'administration des douanes ces modes d'investigations plus intrusifs en fonction du dossier présenté » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/10898, Superexpress et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), cet arrêt-ci rappelant qu’il est de jurisprudence établie qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres procédures moins intrusives). Par la formule reproduite ci-dessus, la cour d’appel étend à l’article 64 du Code des douanes les solutions qu’elle a déjà retenues pour l’article L. 16 B du LPF relatif aux visites domiciliaires effectuées par les agents des finances publiques (CA Paris, 20 déc. 2023, n° 23/03108, X et a. c/ Direction nationale des enquêtes fiscales ; CA Paris, 17 janv. 2024, n° 22/20560, X et a. c/ Direction nationale des enquêtes fiscales).
Saisie des documents et des supports d’information d’une « personne de passage »
La cour d’appel de Paris rappelle une solution rendue à propos de l’autorité des marchés financiers (AMF) s’agissant de la saisie de documents et supports d’information d’une personne « de passage » sur le lieux de la visite et l’étend à la visite domiciliaire douanière : « il est de jurisprudence établie dans des saisies opérées par les agents de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en application de l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier, mais dont la solution est transposable à l’article 64 (…), que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux. Ce texte, tout comme l’article 64 (…), poursuit un but légitime, à savoir la recherche et la constatation des délits douaniers et la lutte contre la fraude douanière, est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre cet objectif. Il ne porte donc pas une atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dès lors, d'une part, que les opérations de visite et de saisies ont préalablement été autorisées par un juge qui s'est assuré du bien-fondé de la demande, qu'elles s'effectuent sous son autorité et son contrôle, en présence d'un officier de police judiciaire, chargé de le tenir informé de leur déroulement, et de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui prennent connaissance des pièces avant leur saisie, qu'elles ne peuvent se dérouler que dans les seuls locaux désignés par ce juge, que l'occupant des lieux et les personnes visées par l'ordonnance sont informés, par la notification qui leur en est faite, de leur droit de faire appel à un avocat de leur choix et que ces opérations peuvent être contestées devant le premier président de la cour d'appel par toutes les personnes entre les mains desquelles il a été procédé à de telles saisies, d'autre part, que seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués » (Cass. ass. plén., 16 déc. 2022, n° 21-23.719) » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Remarquons qu’un précédent arrêt de la cour d’appel de Paris étendait déjà la solution de la décision de l’assemblée plénière précitée à l’article 64 à propos de la saisie de téléphones d’employés d’une société visitée, sans qu’il soit question dans l’affaire concernée de « personnes de passage » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Saisie de téléphones portables
Au cours d’une visite domiciliaire douanière, des téléphones portables à double usage privé et professionnel ou à usage privé uniquement d’employés de la société visitée sont saisis et exploités s’agissant des données y figurant. Pour la cour d’appel de Paris, l’article 64 du Code des douanes permet aux agents de « procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités » et « 'il résulte de ces dispositions du code des douanes, par extension d'une jurisprudence relative à des opérations de visite et de saisie analogues, "que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux" (Cass. ass. plén., 16 déc. 2022, n° 21-23.719) » Pour mémoire, cette solution-ci rendue au visa de l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier relatif à la visite domiciliaire de l’autorité des marchés financiers (AMF) a étendu la saisie aux « personnes de passage » sur les lieux visités. La cour d’appel de Paris ajoute que, pour obtenir la restitution des données touchant à la vie privée des personnes concernées, celles-ci doivent revendiquer la protection de leur vie privée à l’instance : à défaut d'être intervenues à l'instance, afin d'identifier précisément les documents ou données relevant expressément de leur vie privée, la demande d'annulation et de restitution des sociétés requérantes est rejetée (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Notification d’une ordonnance d’extension
Une ordonnance d'extension doit (comme une ordonnance initiale) être notifiée sur place conformément aux dispositions de l’article 64 du Code des douanes. Jugé que, si la notification d’une ordonnance d'extension à l'occupante des lieux (une autre société que celle visée par l’ordonnance initiale) a lieu postérieurement au déroulement des opérations de visite et de saisie, l’opérateur doit prouver le grief que cela lui cause, lorsque ces deux sociétés (celle faisant l’objet de l’ordonnance initiale et celle faisant l’objet de l’ordonnance d’extension) partagent la même enseigne, sont dirigées par la même personne présente sur les lieux durant le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisie en tant qu'occupante des lieux et partagent des locaux indissociables et que le procès-verbal relatant ces opérations et ses annexes leur ont été notifiés en la personne de l'occupante des lieux (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Défaut d’habilitation des agents ayant participé aux opérations de visite pour défaut de délégation de signature en ce sens consentie au Directeur de la DNRED (non)
Un opérateur avance que des opérations de visite et de saisie sont entachées de nullité à défaut d'habilitation régulière des agents des douanes. Selon lui les agents, ayant été autorisés par le JLD n'étaient pas « spécialement » habilités à défaut de délégation de signature en ce sens consentie à l'auteur de l'habilitation, le Directeur de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Les arguments de ce recours contre les opérations de visite sont les mêmes que ceux utilisés contre l’ordonnance exposés ci-dessus (voir « Contrôle de l’ordonnance quant aux habilitations des agents ») et sont écartés dans les mêmes termes (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Saisie d’un élément susceptible, en tout ou partie, d'intéresser l'enquête
Un opérateur reprochant aux enquêteurs d'avoir procédé à des saisies massives et indifférenciées dans le cadre de la visite domiciliaire de l’article 64, le juge indique « qu'il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais dont la solution est transposable à l’article 64 (…), que peut être saisi un élément susceptible, en tout ou partie, d'intéresser l'enquête » : s'il résulte en effet de l’article 64 « que les agents des douanes habilités ne peuvent procéder à la saisie que des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux agissements prohibés retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire, ils peuvent en outre saisir des documents pour partie utiles à la preuve des agissements recherchés (Cass. com., 4 nov. 2020, n° 19-17.911, B [Ndlr : solution rendue à propos de l’AMF dans le cadre du Code monétaire et financier]) » : « la saisie d'une pièce est ainsi valide dès lors que cette pièce est utile même pour partie à la manifestation de la vérité » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Modalités de contestation des pièces saisies
La cour d’appel de Paris rappelle qu’il ressort « d'une jurisprudence établie que les pièces contestées doivent être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier notamment comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat (Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-19.585 [Ndlr : s’agissant de l’administration des impôts dans le cadre de l'application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales]) » et ajoute que « cette nécessité de verser les documents contestés est rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 2 avril 2015 (CEDH, 2 avril 2015 Vinci Construction et GTM génie civil) ». Les magistrats parisiens en déduisent (ce qui est là aussi un rappel) que « la charge de la preuve de ce que certains documents devraient être exclus du champ des saisies incombe aux requérants », que ces derniers doivent « verser aux débats, afin qu'il puisse en être jugé, les documents dont ils estiment qu'ils n'étaient pas saisissables au regard du champ de l'autorisation » et qu’« en l'espèce, les requérants en avaient la possibilité dès lors qu'une copie de l'inventaire des éléments saisis leur a été laissée conformément à l’article 64 (…) » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Communication des mots-clés ni des critères de sélection relatif à la saisie des supports informatiques (non)
Un opérateur estime que le procès-verbal issu des opérations de visite ne permet pas un contrôle des éléments saisis s’agissant des supports informatiques à défaut d'indication des critères de recherche ou des mots clés. Son argument est écarté par le juge qui retient « sur le grief tiré de la non-communication des mots-clés, [qu’]il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais la solution est transposable à l’article 64 (…), que lors d'une opération de visite et de saisie, les enquêteurs ne sont pas tenus de préciser sur quels critères ils se sont fondés afin de déterminer que les documents saisis ont un lien avec l'enquête ou que des éléments saisis sont susceptibles d'être en lien avec l'enquête diligentée, ni de révéler les mots-clés qu'ils ont utilisés. Ainsi, les mots-clés et critères de sélection utilisés par les enquêteurs pour identifier les documents saisis n'ont pas à être communiqués à la partie faisant l'objet des saisies. En effet, permettre à la partie qui subit la visite de prendre connaissance des mots-clés ou moteurs de recherche utilisés et, partant lors du déroulement des opérations de visite et de saisie, priverait lesdites opérations d'effet utile » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Saisie massive et indifférenciée : messagerie électronique insécable et secret professionnel
La cour d’appel de Paris rappelle : « il a été également jugé que la présence, dans une messagerie électronique, de courriels couverts par le secret professionnel, n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments de cette messagerie. Selon la jurisprudence également, un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son intégralité s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête. En effet, une messagerie électronique étant insécable, la saisie de la totalité de la messagerie est possible, dès lors qu'il a été constaté que, pour partie, elle contient des fichiers ou documents qui entrent dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention ». Cette cour en déduit que « la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies et [que], par conséquent, le cas échéant, la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret de la correspondance ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents », en citant ainsi deux arrêts – Cass. crim., 11 déc. 2013, n° 12-86.427 et Cass. crim., 20 avr. 2022, n° 20-87.248, B – rendus à propos de l’autorité de la concurrence (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Saisie massive et indifférenciée : messagerie professionnelle contenant des éléments privés/personnels
Pour la cour d’appel de Paris, il est « de jurisprudence établie que le fait que des messageries professionnelles contiennent des éléments relevant de la vie privée, hors champ des autorisations de visite et de saisie, est sans incidence sur la régularité de la saisie, sans néanmoins que des documents personnels ne soient nécessairement par nature exclus du champ de la saisie. Ces documents peuvent ainsi avoir été saisis dans le cadre de la saisie intégrale d'un fichier de messagerie par nature insécable (…). La présence dans des messageries professionnelles d'un dossier ou sous-dossier créé par l'utilisateur et intitulé "privé" ne suffit pas à établir que ces répertoires ne contiennent que des messages relatifs à la vie privée (Cass. crim., 23 nov. 2016, n° 15-81.131 [Ndlr : cet arrêt-ci, rendu sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce relatif à la visite domiciliaire de l'Autorité de la concurrence, retient que « la seule identification des courriels portant la mention "personnel" [est] insuffisante à établir qu'ils ne contenaient que des données d'ordre privé et qu'ils ne pouvaient, en raison de leur objet, être saisis »]). La saisie dans ce cadre de certains documents personnels à des salariés de l'entreprise n'invalide donc pas la saisie, mais peut faire l'objet d'une restitution aux intéressés », qui doivent en faire la demande (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
« Brèves douanières » au 29 août 2024 : jurisprudences (visite domiciliaire)
Transport - Douane
30/08/2024
Les décisions de justice « en bref » diffusées depuis le 24 juin 2024 et non traitées par ailleurs « dans ces colonnes » s’agissant de la visite domiciliaire de l’article 64 du Code des douanes.
Relatif à la visite domiciliaire, l’article 64 du Code des douanes dispose que l'ordonnance comporte le nom et la qualité du fonctionnaire « habilité » qui a sollicité et obtenu l'autorisation de procéder aux opérations de visite. S'agissant de l'habilitation, en l’espèce du Directeur de la DNRED ayant présenté la requête et donc sollicité l'autorisation du JLD, dont le nom est mentionné sur l'ordonnance, il est rappelé que « si, afin de satisfaire aux prescriptions de l’article 64 (…) précitées, les fonctionnaires désignés pour procéder aux visites domiciliaires doivent être choisis parmi les enquêteurs habilités, une telle exigence ne concerne pas le Directeur ou le chef de service sous l'autorité administrative duquel ils sont placés et dont le rôle n'est pas de procéder lui-même aux opérations de visite susvisées » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), rappelant Cass. crim., 14 janv. 2004, nº 02-86.063).
S'agissant de l'habilitation des agents en l’espèce de la DNRED ayant été autorisés par le JLD à réaliser les opérations de visite et de saisie, il est rappelé aussi que selon l’article 64, « les agents des douanes habilités à cet effet par le ministre chargé des douanes peuvent procéder à des visites (…) » et que les chefs de service à compétence nationale peuvent signer, au nom du ministre et par délégation l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité ; or, la DNRED, créée par arrêté du 29 octobre 2007 (NOR : BCFP0756382A), étant un service à compétence nationale, son directeur, nommé par le ministère chargé du budget sur proposition du directeur général des douanes et droits indirects, dispose donc, d'une délégation pour signer au nom du ministre les habilitations des agents des douanes pour procéder aux visites domiciliaire (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Le défaut d'habilitation d’un agent allégué par un opérateur n’entraîne pas la nullité de l'ordonnance, s’il est constaté qu'il n'a pas participé aux opérations de visite et de saisie et, s’il y a participé, la question de son défaut d'habilitation est à poser dans le cadre du recours contre les opérations de visite (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-26 Droit de visite domiciliaire – Autorisation par ordonnance et rôle du juge dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Contenu de l’ordonnance
Relatif à la visite domiciliaire, l’article 64 du Code des douanes « n'impose pas au juge des libertés et de la détention de déterminer ab initio dans son ordonnance d'autorisation la liste des biens dont la saisie est poursuivie » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-26 Droit de visite domiciliaire – Autorisation par ordonnance et rôle du juge dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Présence facultative du juge lors des opérations
Selon l’article 64, le JLD « peut » se rendre dans les locaux pendant l'intervention. Jugé qu’aucune disposition de cet article ne prescrit donc que ce juge, désigné sur commission rogatoire de son homologue compétent à raison du lieu de la direction des douanes dont dépend le service chargé de la procédure, se rende obligatoirement sur les lieux afin de contrôler les opérations de visite domiciliaire (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Cette faculté s’applique aussi au JLD hors le cas d’une commission rogatoire.
Sur ce sujet, voir n° 1010-26 Droit de visite domiciliaire – Autorisation par ordonnance et rôle du juge dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Visite domiciliaire : ordonnance d’extension et présomptions par renvoi
L’article 64 du Code des douanes (2, a) énonce que « Si, à l'occasion de la visite, les agents habilités découvrent des éléments révélant l'existence en d'autres lieux de biens ou avoirs se rapportant aux agissements visés au 1, ils peuvent, sur autorisation délivrée par tout moyen par le juge qui a pris l'ordonnance, procéder immédiatement à la visite de ces lieux aux fins de saisir ces biens et avoirs. Mention de cette autorisation est portée au procès-verbal prévu au b du présent 2. ». S’agissant d’une telle ordonnance d’extension qui vise une autre société que celle désignée par l’ordonnance d’autorisation initiale, le juge retient qu’il n’est pas « nécessaire » que l'ordonnance d'autorisation initiale vise « expressément » cette autre société et que l'ordonnance d'extension en visant l'ordonnance d'autorisation initiale « reprend donc implicitement et nécessairement à son compte les présomptions d'agissements frauduleux que cette dernière ordonnance vise » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Ordonnance du JLD dans les termes de celle d’un autre JLD
Jugé sur le fondement de l’article L. 16 B du LPF (et la solution vaudrait donc aussi par analogie pour l’article 64 du Code des douanes) que la circonstance que des ordonnances soient « rédigées dans les mêmes termes que d'autres décisions visant les mêmes personnes et rendues par d'autres magistrats dans les limites de leur compétence, est sans incidence sur leur régularité et ne peut à elle seule laisser présumer que le premier juge s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner et d'en déduire l'existence de présomptions de fraudes fiscales » (CA Paris, 24 juill. 2024, nº 23/07327, 42 International Holding et a. c/ Directeur général des finances publiques, rappelant par exemple Cass. com., 12 oct. 2010, n° 09-15.573).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Délai entre la requête et l’ordonnance (non)
Un opérateur fait grief au JLD « d'avoir fait usage d'une ordonnance prérédigée par l'Administration dès lors que la requête et l'ordonnance sont toutes deux datées du 15 juin 2023 » et qu’il est « matériellement impossible d'analyser rigoureusement la requête et l'ensemble de ses pièces jointes (soit des centaines de pages), de se forger une intime conviction sur les présomptions de fraude alléguées et de rédiger une ordonnance, en l'espace d'une seule journée ». Mais pour le juge, l’article 64 du Code des douanes n’institue « aucun délai minimum entre la présentation de la requête et la décision d'autorisation, au juge des libertés et de la détention pour statuer sur la demande » : le reproche selon lequel le juge n'aurait pas examiné la demande de manière sérieuse ne peut donc être retenu étant précisé que le contrôle effectué est un contrôle des informations et des pièces communiquées par l'administration douanière sur l'existence de présomptions de fraude (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/10898, Superexpress et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Remarquons qu’il avait déjà été statué dans ce sens (CA Paris, 24 janv. 2024, n° 22/19323, Season D et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Licéité de l’origine des pièces soumises au JLD
Un opérateur peut remettre en cause la licéité de l’origine d’une pièce servant à la requête de la Douane. Une pièce ayant été obtenue chez un autre opérateur dans le cadre du droit de visite de l’article 60 du Code des douanes dans sa version non conforme à la constitution, un opérateur estime que son origine n’est pas licite. Mais la cour d’appel de Paris écarte toute origine illicite pour cette pièce : d’une part, le Conseil Constitutionnel a reporté au 1er septembre 2023 la date d'abrogation l’article 60 jugé inconstitutionnel (Cons. const., 22 sept. 2022, n° 2022-1010 QPC ; voir Droit de visite de l’article 60 du Code des douanes : inconstitutionnel, Actualités du droit, 23 sept. 2022) et l’ordonnance est antérieure à cette date ; d’autre part, ce contrôle de conformité à la Constitution opéré par le Conseil Constitutionnel sur l’article 60 ainsi abrogé, fait écran à ce que cette juridiction opère un contrôle de conventionnalité sur le contrôle opéré par les agents des douanes (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Licéité de l’origine des pièces soumises au JLD et droit de communication s’agissant des opérateurs de télécommunications
Dans le cadre de l’article 64 du Code des douanes, un opérateur relève un défaut de licéité de l’origine des pièces soumises au JLD au motif qu’elles lui ont été communiquées au titre de l’article 65 quinquies du Code des douanes (relatif au droit de communication s’agissant des opérateurs de télécommunications) dont il remet en cause la conformité au droit de l’Union. Mais la cour d’appel de Paris, s’agissant de la conformité au droit et à la jurisprudence européenne de cet article 65 quinquies, rappelle ce qu’a considéré la Cour de cassation dans des arrêts du 12 juillet 2022 (voir notamment Cass. crim., QPC, 12 juill. 2022, n° 21-83.710 et Cass. crim., 12 juill. 2022, n° 21-83.820, B, tous deux visant notamment l’article L. 34-1 du Code des postes et communications électroniques, article lui-même visé par l’article 65 quinquies précité) : afin de pouvoir utiliser ce mécanisme de conservation rapide des données, « il fallait justifier de l'existence de faits relevant de la criminalité grave et un usage limité pour les strictes nécessités d'une enquête déterminée » ; « (…) le droit de l'Union ne s'oppose pas à des mesures législatives prévoyant, aux fins de lutte contre la criminalité grave une conservation ciblée des données relatives au trafic et des données de localisation qui soit délimitée, sur la base d'éléments objectifs et non discriminatoires, en fonction de catégories de personnes concernées ou au moyen d'un critère géographique, pour une période temporellement limitée au strict nécessaire, mais renouvelable (...) ; le recours à une injonction faite aux fournisseurs de services de communications électroniques, au moyen d'une décision de l'autorité compétente soumise à un contrôle juridictionnel effectif, de procéder, pour une durée déterminée, à la conservation rapide des données relatives au trafic et des données de localisation dont disposent ces fournisseurs de services, dès lors que ces mesures assurent, par des règles claires et précises, que la conservation des données en cause est subordonnée au respect des conditions matérielles et procédurales afférentes et que les personnes concernées disposent de garanties effectives contre les risques d'abus ». Or, il résulte de l’article 64 précité que « les agissements recherchés revêtent un caractère de gravité suffisant pour justifier la mesure d'investigation critiquée » (celle de l’article 65 quinquies) : en application des articles 38 et 428 du Code des douanes, est considérée comme exportation sans déclaration de marchandises prohibées toute infraction aux dispositions, soit législatives, soit réglementaires portant prohibition d'exportation ou bien subordonnant l'exportation à l'accomplissement de formalités particulières lorsque la fraude a été faite ou tentée par les bureaux et qu'elle n'est pas spécialement réprimée par une autre disposition du présent code ; et ces infractions sont réprimées par l’article 414 du même code (visé par l’article 64), deuxième alinéa, qui prévoit un emprisonnement maximal de 5 ans avec une amende qui peut aller jusqu'à trois fois la valeur de l'objet de la fraude lorsque les faits de contrebande, d'importation ou d'exportation portent sur des biens à double usage, civil et militaire, dont la circulation est soumise à restriction par la réglementation européenne (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit et voir n° 1010-15 Droit de communication et opérateurs de télécommunications dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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« Simple présomption » dans l’ordonnance et procédure ni à charge, ni à décharge
La cour d’appel de Paris rappelle qu'au stade de la requête de la Douane dans le cadre de la visite domiciliaire, en application des dispositions de l’article 64, le JLD n’a pas à « déterminer si tous les éléments constitutifs des délits douaniers recherchés étaient réunis » mais ne doit rechercher que s'il existe des « présomptions simples des agissements prohibés et recherchés ». Toujours au stade de la requête, la Douane « dispose de toute latitude afin de présenter au juge des libertés et de la détention les pièces qui lui paraissent de nature à fonder les présomptions des agissements prohibés et recherchés », l’article 64 « ne prescrivant pas que l'administration doive présenter des éléments à décharge de l'entreprise faisant l'objet des soupçons ». Cette cour ajoute qu’« il a été jugé et est établi que la procédure d'autorisation de visite domiciliaire devant le juge des libertés et de la détention ne se déroule pas à charge et à décharge » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-27 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de l'appréciation par le juge des éléments de fait et de droit dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Contrôle de la proportionnalité par le juge
Selon la cour d’appel de Paris, « en exerçant son contrôle in concreto sur le dossier présenté par l'administration fiscale, le juge des libertés et de la détention exerce de fait un contrôle de proportionnalité. En cas de refus, il peut inviter l'administration des douanes à avoir recours à d'autres moyens d'enquête moins intrusifs. En autorisant les opérations de visite et de saisie, le juge des libertés et de la détention a entendu accorder à l'administration des douanes ces modes d'investigations plus intrusifs en fonction du dossier présenté » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/10898, Superexpress et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), cet arrêt-ci rappelant qu’il est de jurisprudence établie qu'aucun texte n'impose au juge de vérifier si l'administration pouvait recourir à d'autres procédures moins intrusives). Par la formule reproduite ci-dessus, la cour d’appel étend à l’article 64 du Code des douanes les solutions qu’elle a déjà retenues pour l’article L. 16 B du LPF relatif aux visites domiciliaires effectuées par les agents des finances publiques (CA Paris, 20 déc. 2023, n° 23/03108, X et a. c/ Direction nationale des enquêtes fiscales ; CA Paris, 17 janv. 2024, n° 22/20560, X et a. c/ Direction nationale des enquêtes fiscales).
Sur ce sujet, voir n° 1010-28 Droit de visite domiciliaire – Contrôle de la proportionnalité par le juge dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Saisie des documents et des supports d’information d’une « personne de passage »
La cour d’appel de Paris rappelle une solution rendue à propos de l’autorité des marchés financiers (AMF) s’agissant de la saisie de documents et supports d’information d’une personne « de passage » sur le lieux de la visite et l’étend à la visite domiciliaire douanière : « il est de jurisprudence établie dans des saisies opérées par les agents de l'Autorité des marchés financiers (AMF) en application de l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier, mais dont la solution est transposable à l’article 64 (…), que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux. Ce texte, tout comme l’article 64 (…), poursuit un but légitime, à savoir la recherche et la constatation des délits douaniers et la lutte contre la fraude douanière, est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre cet objectif. Il ne porte donc pas une atteinte excessive au droit de toute personne au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance dès lors, d'une part, que les opérations de visite et de saisies ont préalablement été autorisées par un juge qui s'est assuré du bien-fondé de la demande, qu'elles s'effectuent sous son autorité et son contrôle, en présence d'un officier de police judiciaire, chargé de le tenir informé de leur déroulement, et de l'occupant des lieux ou de son représentant, qui prennent connaissance des pièces avant leur saisie, qu'elles ne peuvent se dérouler que dans les seuls locaux désignés par ce juge, que l'occupant des lieux et les personnes visées par l'ordonnance sont informés, par la notification qui leur en est faite, de leur droit de faire appel à un avocat de leur choix et que ces opérations peuvent être contestées devant le premier président de la cour d'appel par toutes les personnes entre les mains desquelles il a été procédé à de telles saisies, d'autre part, que seuls les éléments nécessaires à la recherche des infractions précitées peuvent être saisis, ceux n'étant pas utiles à la manifestation de la vérité devant être restitués » (Cass. ass. plén., 16 déc. 2022, n° 21-23.719) » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)). Remarquons qu’un précédent arrêt de la cour d’appel de Paris étendait déjà la solution de la décision de l’assemblée plénière précitée à l’article 64 à propos de la saisie de téléphones d’employés d’une société visitée, sans qu’il soit question dans l’affaire concernée de « personnes de passage » (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-30 Droit de visite domiciliaire – Déroulement des opérations de visite et de saisie dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Saisie de téléphones portables
Au cours d’une visite domiciliaire douanière, des téléphones portables à double usage privé et professionnel ou à usage privé uniquement d’employés de la société visitée sont saisis et exploités s’agissant des données y figurant. Pour la cour d’appel de Paris, l’article 64 du Code des douanes permet aux agents de « procéder, à l'occasion de la visite, à la saisie des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux délits précités » et « 'il résulte de ces dispositions du code des douanes, par extension d'une jurisprudence relative à des opérations de visite et de saisie analogues, "que sont saisissables les documents et supports d'information qui sont en lien avec l'objet de l'enquête et se trouvent dans les lieux que le juge a désignés ou sont accessibles depuis ceux-ci, sans qu'il soit nécessaire que ces documents et supports appartiennent ou soient à la disposition de l'occupant des lieux" (Cass. ass. plén., 16 déc. 2022, n° 21-23.719) » Pour mémoire, cette solution-ci rendue au visa de l’article L. 621-12 du Code monétaire et financier relatif à la visite domiciliaire de l’autorité des marchés financiers (AMF) a étendu la saisie aux « personnes de passage » sur les lieux visités. La cour d’appel de Paris ajoute que, pour obtenir la restitution des données touchant à la vie privée des personnes concernées, celles-ci doivent revendiquer la protection de leur vie privée à l’instance : à défaut d'être intervenues à l'instance, afin d'identifier précisément les documents ou données relevant expressément de leur vie privée, la demande d'annulation et de restitution des sociétés requérantes est rejetée (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-30 Droit de visite domiciliaire – Déroulement des opérations de visite et de saisie dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Notification d’une ordonnance d’extension
Une ordonnance d'extension doit (comme une ordonnance initiale) être notifiée sur place conformément aux dispositions de l’article 64 du Code des douanes. Jugé que, si la notification d’une ordonnance d'extension à l'occupante des lieux (une autre société que celle visée par l’ordonnance initiale) a lieu postérieurement au déroulement des opérations de visite et de saisie, l’opérateur doit prouver le grief que cela lui cause, lorsque ces deux sociétés (celle faisant l’objet de l’ordonnance initiale et celle faisant l’objet de l’ordonnance d’extension) partagent la même enseigne, sont dirigées par la même personne présente sur les lieux durant le déroulement des opérations de visite domiciliaire et de saisie en tant qu'occupante des lieux et partagent des locaux indissociables et que le procès-verbal relatant ces opérations et ses annexes leur ont été notifiés en la personne de l'occupante des lieux (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-31 Droit de visite domiciliaire – Notification de l'ordonnance à l'occupant des lieux ou à son représentant dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Défaut d’habilitation des agents ayant participé aux opérations de visite pour défaut de délégation de signature en ce sens consentie au Directeur de la DNRED (non)
Un opérateur avance que des opérations de visite et de saisie sont entachées de nullité à défaut d'habilitation régulière des agents des douanes. Selon lui les agents, ayant été autorisés par le JLD n'étaient pas « spécialement » habilités à défaut de délégation de signature en ce sens consentie à l'auteur de l'habilitation, le Directeur de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières. Les arguments de ce recours contre les opérations de visite sont les mêmes que ceux utilisés contre l’ordonnance exposés ci-dessus (voir « Contrôle de l’ordonnance quant aux habilitations des agents ») et sont écartés dans les mêmes termes (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-34 Droit de visite domiciliaire – Recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Saisie d’un élément susceptible, en tout ou partie, d'intéresser l'enquête
Un opérateur reprochant aux enquêteurs d'avoir procédé à des saisies massives et indifférenciées dans le cadre de la visite domiciliaire de l’article 64, le juge indique « qu'il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais dont la solution est transposable à l’article 64 (…), que peut être saisi un élément susceptible, en tout ou partie, d'intéresser l'enquête » : s'il résulte en effet de l’article 64 « que les agents des douanes habilités ne peuvent procéder à la saisie que des marchandises et des documents, quel qu'en soit le support, se rapportant aux agissements prohibés retenus par l'ordonnance d'autorisation de visite domiciliaire, ils peuvent en outre saisir des documents pour partie utiles à la preuve des agissements recherchés (Cass. com., 4 nov. 2020, n° 19-17.911, B [Ndlr : solution rendue à propos de l’AMF dans le cadre du Code monétaire et financier]) » : « la saisie d'une pièce est ainsi valide dès lors que cette pièce est utile même pour partie à la manifestation de la vérité » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-34 Droit de visite domiciliaire – Recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Modalités de contestation des pièces saisies
La cour d’appel de Paris rappelle qu’il ressort « d'une jurisprudence établie que les pièces contestées doivent être versées aux débats, en en expliquant les raisons pour chacune, l'absence de production rendant impossible de les identifier notamment comme bénéficiant du secret professionnel de l'avocat (Cass. com., 7 juin 2011, n° 10-19.585 [Ndlr : s’agissant de l’administration des impôts dans le cadre de l'application de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales]) » et ajoute que « cette nécessité de verser les documents contestés est rappelée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme dans un arrêt du 2 avril 2015 (CEDH, 2 avril 2015 Vinci Construction et GTM génie civil) ». Les magistrats parisiens en déduisent (ce qui est là aussi un rappel) que « la charge de la preuve de ce que certains documents devraient être exclus du champ des saisies incombe aux requérants », que ces derniers doivent « verser aux débats, afin qu'il puisse en être jugé, les documents dont ils estiment qu'ils n'étaient pas saisissables au regard du champ de l'autorisation » et qu’« en l'espèce, les requérants en avaient la possibilité dès lors qu'une copie de l'inventaire des éléments saisis leur a été laissée conformément à l’article 64 (…) » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-34 Droit de visite domiciliaire – Recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisie dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Communication des mots-clés ni des critères de sélection relatif à la saisie des supports informatiques (non)
Un opérateur estime que le procès-verbal issu des opérations de visite ne permet pas un contrôle des éléments saisis s’agissant des supports informatiques à défaut d'indication des critères de recherche ou des mots clés. Son argument est écarté par le juge qui retient « sur le grief tiré de la non-communication des mots-clés, [qu’]il est de jurisprudence établie dans des domaines voisins concernant des visites domiciliaires, mais la solution est transposable à l’article 64 (…), que lors d'une opération de visite et de saisie, les enquêteurs ne sont pas tenus de préciser sur quels critères ils se sont fondés afin de déterminer que les documents saisis ont un lien avec l'enquête ou que des éléments saisis sont susceptibles d'être en lien avec l'enquête diligentée, ni de révéler les mots-clés qu'ils ont utilisés. Ainsi, les mots-clés et critères de sélection utilisés par les enquêteurs pour identifier les documents saisis n'ont pas à être communiqués à la partie faisant l'objet des saisies. En effet, permettre à la partie qui subit la visite de prendre connaissance des mots-clés ou moteurs de recherche utilisés et, partant lors du déroulement des opérations de visite et de saisie, priverait lesdites opérations d'effet utile » (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-36 Droit de visite domiciliaire – Supports informatiques dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Saisie massive et indifférenciée : messagerie électronique insécable et secret professionnel
La cour d’appel de Paris rappelle : « il a été également jugé que la présence, dans une messagerie électronique, de courriels couverts par le secret professionnel, n'a pas pour effet d'invalider la saisie des autres éléments de cette messagerie. Selon la jurisprudence également, un fichier informatique indivisible peut être saisi dans son intégralité s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête. En effet, une messagerie électronique étant insécable, la saisie de la totalité de la messagerie est possible, dès lors qu'il a été constaté que, pour partie, elle contient des fichiers ou documents qui entrent dans le champ de l'autorisation donnée par le juge des libertés et de la détention ». Cette cour en déduit que « la saisie irrégulière de certains fichiers ou documents est sans effet sur la validité des opérations de visite et des autres saisies et [que], par conséquent, le cas échéant, la présence, parmi les documents saisis, de pièces couvertes par le secret de la correspondance ne saurait avoir pour effet d'invalider la saisie de tous les autres documents », en citant ainsi deux arrêts – Cass. crim., 11 déc. 2013, n° 12-86.427 et Cass. crim., 20 avr. 2022, n° 20-87.248, B – rendus à propos de l’autorité de la concurrence (CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/11278, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) ; CA Paris, 17 juill. 2024, nº 23/09929, Kermaz et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-37 Droit de visite domiciliaire – Supports informatiques et « saisie massive » dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Saisie massive et indifférenciée : messagerie professionnelle contenant des éléments privés/personnels
Pour la cour d’appel de Paris, il est « de jurisprudence établie que le fait que des messageries professionnelles contiennent des éléments relevant de la vie privée, hors champ des autorisations de visite et de saisie, est sans incidence sur la régularité de la saisie, sans néanmoins que des documents personnels ne soient nécessairement par nature exclus du champ de la saisie. Ces documents peuvent ainsi avoir été saisis dans le cadre de la saisie intégrale d'un fichier de messagerie par nature insécable (…). La présence dans des messageries professionnelles d'un dossier ou sous-dossier créé par l'utilisateur et intitulé "privé" ne suffit pas à établir que ces répertoires ne contiennent que des messages relatifs à la vie privée (Cass. crim., 23 nov. 2016, n° 15-81.131 [Ndlr : cet arrêt-ci, rendu sur le fondement de l’article L. 450-4 du Code de commerce relatif à la visite domiciliaire de l'Autorité de la concurrence, retient que « la seule identification des courriels portant la mention "personnel" [est] insuffisante à établir qu'ils ne contenaient que des données d'ordre privé et qu'ils ne pouvaient, en raison de leur objet, être saisis »]). La saisie dans ce cadre de certains documents personnels à des salariés de l'entreprise n'invalide donc pas la saisie, mais peut faire l'objet d'une restitution aux intéressés », qui doivent en faire la demande (CA Paris, 12 juin 2024, nº 23/07261, Luxaviation E.A. et a. c/ Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED)).
Sur ce sujet, voir n° 1010-37 Droit de visite domiciliaire – Supports informatiques et « saisie massive » dans Le Lamy Guide des procédures douanières.
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Source : Actualités du droit