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Quels enjeux pour la recodification ?
Pourquoi recodifier ? Le code actuel « n’est pas un code pratique », reconnait aisément Sébastien Jeannard. Il est mentionné dans 42 autres codes et fait l’objet de 12 000 textes réglementaires d’application, décrets et arrêtés, qui n’ont jamais été codifiés, ni « toilettés ». Pas étonnant alors que certains de ces textes réglementaires se contredisent parfois. C’est aussi un code « fragile » : ainsi, par exemple, à la suite d’une QPC, son article 60 sur le droit de visite a dû faire l’objet d’une révision en profondeur qui a été vécue comme un « traumatisme » au sein de l’administration.
Le législateur a compris l’urgence de la recodification et a saisi l’occasion de la loi qui a abouti à la modernisation de l’article précité pour la lancer : ainsi, l’article 36 de la loi du 18 juillet 2023, « visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces », autorise le Gouvernement « à prendre par voie d'ordonnance toutes les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte de la partie législative du code des douanes » et ce dans ans un délai de trois ans à compter de la promulgation de cette loi (L. nº 2023-610, 18 juill. 2023, JO 19 juill.).
Quelle structure pour le futur code ?
Le code des douanes reposera sur une « structure moderne » avec des articles numérotés par exemple L. 111-1, D. 111-1 et A. 111-1, ce qui correspond s’agissant des chiffres à une division en « Livres », « Titres » et « Chapitres ».
À ce stade, il est envisagé de découper le code en sept livres thématiques : « Organisation de la douane et territoire douanier », « Régime douanier des flux des marchandises et des flux financiers », « Pouvoirs de contrôle et de constatation » (Livre IV) ou encore « Sanctions ».
Le nombre des articles actuellement de 478 passera vraisemblablement à 1 500 ou 2 500. Cette augmentation du nombre d’articles s’explique par le contenu de chaque article qui répondra à la règle « un article, une idée ». Le temps est ainsi fini des articles trop longs et illisibles comme l’actuel 64 relatif à la visite domiciliaire douanière.
Pour garantir la sécurité juridique et pour plus de lisibilité et de compréhension, le futur code des douanes sera accompagné d’une table de concordance entre les anciens et nouveaux articles et d’une table des abrogations, précise le chargé de mission qui ajoute qu’une communication sera également déployée sur le portail Intranet de la douane.
Quels contenus pour le futur code ?
Un contenu « à droit constant »…
La jurisprudence du Conseil constitutionnel imposant que toute codification se fasse à droit constant, explique Sébastien Jeannard, celui-ci est donc tenu de suivre cette obligation (l’article 36 de la loi précitée dispose d’ailleurs que « les dispositions ainsi codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance »). Il souligne également que le Sénat sera vigilant sur ce point, ce qui le conduira à ne pas « mordre sur le trait » du droit constant. Autrement dit, il ne lui sera pas possible de dépasser sa mission pour aller au-delà du droit existant.
Bien sûr, l’article 36 de la loi précitée prévoit aussi que la codification dans un but « lisibilité » s’opère aussi en « abrogeant les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ». Exit donc par exemple les articles relatifs à l’espèce, l’origine et la valeur des marchandises qui relèvent du CDU. Sébastien Jeannard souligne toutefois le cas d’un « micro-espace » relevant de la compétence de l’État français au regard du CDU et qui le conduira à codifier des dispositions résiduelles devant être prises sur le fondement du droit de l’Union européenne. L’article 36 comporte une autre réserve à l’obligation de codification à droit constant pour « assurer le respect de la hiérarchie des normes » : des modifications ont donc lieu dans le cas d’une contrariété à une norme supérieure.
… mais deux changements profonds
Seront « rapatriés » dans le code des douanes – ce qui contribue là aussi à le rendre plus dense –, les pouvoirs de contrôle et de sanction prévus, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, par le code général des impôts et le Livre des procédures fiscales. Rappelons que l’article 36 précité permet d’inclure dans le futur code des douanes « Les dispositions contenues dans d'autres codes relatives aux contributions indirectes et aux réglementations assimilées, portant sur les pouvoirs de contrôle, le régime de sanction, les procédures devant les tribunaux, les remises et les transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances ».
Le droit ultra marin sera lui aussi ajouté au code des douanes. Cela représente un travail à la fois inédit et utile au regard du principe d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, Sébastien Jeannard reconnaissant qu’en la matière la douane part d’une « feuille blanche ».
Quelles échéances à venir ?
La conception et la rédaction des textes devraient être terminées pour la fin de l’année 2024, indique le chargé de mission. L’année 2025 sera marquée par l’examen de plusieurs livres par la commission supérieure de codification, puis par la saisine du Conseil d’État.
Les délais étant fixés par l’article 36 précité (voir ci-dessus), l’échéance pour la publication du texte recodifié est prévue pour le début de l’année 2026 ; « les parties législatives et réglementaires seront publiées simultanément » au Journal officiel, précise Sébastien Jeannard. Il faudra en revanche attendre quelques semaines pour voir le futur code des douanes être consolidé par les équipes de Légifrance et entré en vigueur (ce qui est prévu à ce stade au printemps 2026).
Futur code des douanes : où en est-on ?
Transport - Douane
07/10/2024
Chef de la mission de recodification du code des douanes à la DGDDI, Sébastien Jeannard expose les nouveautés de forme mais aussi de fond du futur texte, qu’il souhaite opérationnel et sans ambiguïté juridique, lors d’un déjeuner-débat organisé le 4 octobre 2024 par l’association Collin de Sussy.
Pourquoi recodifier ? Le code actuel « n’est pas un code pratique », reconnait aisément Sébastien Jeannard. Il est mentionné dans 42 autres codes et fait l’objet de 12 000 textes réglementaires d’application, décrets et arrêtés, qui n’ont jamais été codifiés, ni « toilettés ». Pas étonnant alors que certains de ces textes réglementaires se contredisent parfois. C’est aussi un code « fragile » : ainsi, par exemple, à la suite d’une QPC, son article 60 sur le droit de visite a dû faire l’objet d’une révision en profondeur qui a été vécue comme un « traumatisme » au sein de l’administration.
Le législateur a compris l’urgence de la recodification et a saisi l’occasion de la loi qui a abouti à la modernisation de l’article précité pour la lancer : ainsi, l’article 36 de la loi du 18 juillet 2023, « visant à donner à la douane les moyens de faire face aux nouvelles menaces », autorise le Gouvernement « à prendre par voie d'ordonnance toutes les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la refonte de la partie législative du code des douanes » et ce dans ans un délai de trois ans à compter de la promulgation de cette loi (L. nº 2023-610, 18 juill. 2023, JO 19 juill.).
Un peu d’histoire Le code des douanes actuellement en vigueur date de 1948 (sous la IVe république et sa hiérarchie des normes) et a été rédigé en six mois. Cette période n’a bien sûr rien à voir avec celle que nous connaissons : la Douane était alors plus une administration fiscale, disposant de peu de pouvoir de police économique, et a surtout une mission de police administrative. Certes ce code a connu des modifications ponctuelles à la suite de lois de finances ou de QPC. Mais il n’a pas été refondu, ni repensé depuis sa création, et ce malgré 1968 et l’Union douanière, 1992 et le Code des douanes communautaire, 1993 et le marché unique et 2016 et le code des douanes de l’Union (CDU). |
Quelle structure pour le futur code ?
Le code des douanes reposera sur une « structure moderne » avec des articles numérotés par exemple L. 111-1, D. 111-1 et A. 111-1, ce qui correspond s’agissant des chiffres à une division en « Livres », « Titres » et « Chapitres ».
À ce stade, il est envisagé de découper le code en sept livres thématiques : « Organisation de la douane et territoire douanier », « Régime douanier des flux des marchandises et des flux financiers », « Pouvoirs de contrôle et de constatation » (Livre IV) ou encore « Sanctions ».
Le nombre des articles actuellement de 478 passera vraisemblablement à 1 500 ou 2 500. Cette augmentation du nombre d’articles s’explique par le contenu de chaque article qui répondra à la règle « un article, une idée ». Le temps est ainsi fini des articles trop longs et illisibles comme l’actuel 64 relatif à la visite domiciliaire douanière.
Pour garantir la sécurité juridique et pour plus de lisibilité et de compréhension, le futur code des douanes sera accompagné d’une table de concordance entre les anciens et nouveaux articles et d’une table des abrogations, précise le chargé de mission qui ajoute qu’une communication sera également déployée sur le portail Intranet de la douane.
Quels contenus pour le futur code ?
Un contenu « à droit constant »…
La jurisprudence du Conseil constitutionnel imposant que toute codification se fasse à droit constant, explique Sébastien Jeannard, celui-ci est donc tenu de suivre cette obligation (l’article 36 de la loi précitée dispose d’ailleurs que « les dispositions ainsi codifiées sont celles en vigueur au moment de la publication de l'ordonnance »). Il souligne également que le Sénat sera vigilant sur ce point, ce qui le conduira à ne pas « mordre sur le trait » du droit constant. Autrement dit, il ne lui sera pas possible de dépasser sa mission pour aller au-delà du droit existant.
Et la jurisprudence ? La codification à droit constant se limite aux textes législatifs et réglementaires et n’envisage pas de traduire dans ceux-ci des jurisprudences relatives aux articles qui sont codifiés (comme cela a notamment été le cas par exemple pour l’article 60 précité sur le droit de visite). Cela signifie également qu’il n’est pas question d’introduire dans les articles des dispositions qui iraient à l’encontre d’une jurisprudence afin de la contourner. |
Bien sûr, l’article 36 de la loi précitée prévoit aussi que la codification dans un but « lisibilité » s’opère aussi en « abrogeant les dispositions, codifiées ou non, obsolètes ou devenues sans objet ». Exit donc par exemple les articles relatifs à l’espèce, l’origine et la valeur des marchandises qui relèvent du CDU. Sébastien Jeannard souligne toutefois le cas d’un « micro-espace » relevant de la compétence de l’État français au regard du CDU et qui le conduira à codifier des dispositions résiduelles devant être prises sur le fondement du droit de l’Union européenne. L’article 36 comporte une autre réserve à l’obligation de codification à droit constant pour « assurer le respect de la hiérarchie des normes » : des modifications ont donc lieu dans le cas d’une contrariété à une norme supérieure.
Compétence de « l’administration » ou de « l’administration des douanes » ? Interrogé sur la compétence de la Douane qui découlerait automatiquement du code, le chargé de mission recodification précise que le texte opère un partage de compétence entre la Douane, la DGFIP, la DGAL, les services vétérinaires, etc., en distinguant dans sa rédaction soit « l’administration des douanes », qui implique la compétence exclusive de la DGDDI, soit « l’administration » (sans précision), qui implique la compétence de l’une des administrations parmi celles précitées. |
… mais deux changements profonds
Seront « rapatriés » dans le code des douanes – ce qui contribue là aussi à le rendre plus dense –, les pouvoirs de contrôle et de sanction prévus, en matière de contributions indirectes et de réglementations assimilées, par le code général des impôts et le Livre des procédures fiscales. Rappelons que l’article 36 précité permet d’inclure dans le futur code des douanes « Les dispositions contenues dans d'autres codes relatives aux contributions indirectes et aux réglementations assimilées, portant sur les pouvoirs de contrôle, le régime de sanction, les procédures devant les tribunaux, les remises et les transactions à titre gracieux et le recouvrement des créances ».
Le droit ultra marin sera lui aussi ajouté au code des douanes. Cela représente un travail à la fois inédit et utile au regard du principe d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, Sébastien Jeannard reconnaissant qu’en la matière la douane part d’une « feuille blanche ».
Quelles échéances à venir ?
La conception et la rédaction des textes devraient être terminées pour la fin de l’année 2024, indique le chargé de mission. L’année 2025 sera marquée par l’examen de plusieurs livres par la commission supérieure de codification, puis par la saisine du Conseil d’État.
Les délais étant fixés par l’article 36 précité (voir ci-dessus), l’échéance pour la publication du texte recodifié est prévue pour le début de l’année 2026 ; « les parties législatives et réglementaires seront publiées simultanément » au Journal officiel, précise Sébastien Jeannard. Il faudra en revanche attendre quelques semaines pour voir le futur code des douanes être consolidé par les équipes de Légifrance et entré en vigueur (ce qui est prévu à ce stade au printemps 2026).
Qui sont les « recodificateurs » ? En charge de la mission de recodification du code des douanes français à la DGDDI depuis septembre 2023, Sébastien Jeannard dirige une équipe de quatre personnes. Il associe régulièrement à ses travaux des référents opérationnels, représentant les différents métiers de la douane, et un « cercle d’experts » qui comporte notamment des représentants d’opérateurs, outre des magistrats, des avocats et des professeurs d’université. |
Source : Actualités du droit