Retour aux articles
Pour mémoire, un arrêt du 22 novembre 2022 de la cour d’appel de Rouen avait conclu à la nullité d’un avis de mise en recouvrement (AMR) au motif que la dette douanière qu’il visait avait été prise en compte concomitamment à sa communication, ce qui contrevenait aux exigences de la chronologie impérative – prise en compte, puis communication de la dette – issue des articles 217 et surtout 221 de l’ex-Code des douanes communautaire et de la jurisprudence de la CJUE sur ces textes-ci (voir « Prise en compte/communication des droits de douane : concomitance (non) » dans « Brèves douanières » au 1er décembre 2022, Actualités du droit, 2 déc. 2022).
La Douane a formé un pourvoi et ses arguments s’agissant de la chronologie impérative issue de l’article 221 précité sont rejetés par la Cour de cassation qui confirme ainsi plusieurs fondements de la décision de la cour d’appel,… mais admet aussi à nouveau la régularisation par la communication via un acte postérieur, ici un procès-verbal d’infraction d’un montant identique.
Arguments confirmés s’agissant de la chronologie prise en compte, puis communication
Forme de la communication : l’avis de résultat de contrôle/d’enquête
Pour la Douane, la communication n’a pas eu lieu par l’avis de résulte de contrôle (du même jour que celui de la prise en compte), qui ouvre une phase contradictoire, mais par le PV de notification d’infraction qui est postérieur. Mais la Cour de cassation rejette l’argument : cet avis permettant à l’opérateur « de connaitre le montant de la dette douanière susceptible de lui être réclamée », il vaut donc communication.
Date de la communication : date de l’expédition par la Douane
La Douane avance sur le fondement de l’article 668 du Code de procédure civile que la date de la réception par l’opérateur (et non celle de son expédition par cette administration) de la lettre contenant l’avis de résultat de contrôle doit être retenue et, étant postérieure à la date de la prise en compte, la chronologie impérative est respectée. Là encore, la Cour de cassation écarte l’argument : selon le texte précité, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre ; or, selon la jurisprudence de la CJUE, « le respect de la chronologie des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits doit être assuré par les autorités douanières, qui y procèdent », et il en résulte que « la date de la communication du montant des droits est celle de l'expédition de l'avis de résultat d'enquête valant communication du montant des droits ».
Concomitance même sans préjudice (non)
La Douane avance encore que la concomitance de la prise en compte et de la communication ne cause préjudice ni à l’opérateur, ni en substance aux ressources de l’UE. Mais pour la Cour de cassation (qui se fonde classiquement sur l’arrêt Molenbergnatie précité de la CJUE qui a retenu que la prise en compte « doit nécessairement précéder la communication », point 46), « la concomitance des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits constitue une irrégularité entachant la validité de l'avis de mise en recouvrement. »
Régularisation de la chronologie prise en compte-communication, par exemple par un procès-verbal de notification d’infraction postérieur
La Douane avance également que, même si la dette avait fait l’objet d’une communication avant sa prise en compte, elle pouvait régulariser la situation en procédant une nouvelle fois à cette communication par le PV de notification d’infraction.
La Cour de cassation confirme cette possibilité en visant les articles 217 et 221 précités et la jurisprudence de la CJUE qui a en effet retenu que, si la méconnaissance de l’article 221 par la Douane « peut faire obstacle au recouvrement du montant des droits légalement dus ou à la perception d'intérêts de retard, une telle méconnaissance n'a aucune conséquence sur l'existence de ces droits » (CJUE, 20 oct. 2005, n° C-247/04, Transport Maatschappij Traffic BV c/ Staatssecretaris van Economische Zaken, point 28) et que « les autorités douanières conservent la faculté de procéder à une nouvelle communication de ce montant dans le respect des conditions prévues au même texte et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance » (CJUE, 9 juill. 2008, n° C‑477/07, Gerlach & Co. NV c/ Belgische Staat, point 30). Il en résulte, selon la Cour de cassation, que, lorsque la Douane « communique une dette douanière dans un avis de résultat d'enquête, qui, en application de l’article 67 A du Code des douanes, vaut document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée, elle doit nécessairement, pour que la dette soit exigible, l'avoir prise en compte au préalable. Néanmoins, si cette dette a été prise en compte postérieurement à l'avis de résultat d'enquête mais préalablement à un acte la communiquant de nouveau au redevable, tel un procès-verbal de notification d'infraction, celui-ci régularise la communication de la dette douanière au redevable ». Dans cette affaire, ajoute la Haute cour, la Douane avait effectivement notifié à l’opérateur un PV « pour un montant identique » et l’AMR qui avait suivi était donc régulier.
Chronologie prise en compte, puis communication des droits de douane de l’ex-CDC : concomitance, non, mais régularisation, oui !
Transport - Douane
15/11/2024
Dans une décision du 6 novembre 2024, destinée à la publication au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation, celle-ci confirme que si la Douane communique une dette douanière dans un avis de résultat d'enquête – au titre du DEE de l’article 67 A du Code des douanes –, elle doit nécessairement, pour que la dette soit exigible, l'avoir prise en compte au préalable, mais aussi et surtout que « néanmoins, si cette dette a été prise en compte postérieurement à l'avis de résultat d'enquête mais préalablement à un acte la communiquant de nouveau au redevable, tel un procès-verbal de notification d'infraction, celui-ci régularise la communication de la dette douanière au redevable ». Cette décision, rendue au visa notamment de l’article 221 de l’ex-Code des douanes communautaire et sur le fondement de la jurisprudence de la CJUE, va dans le sens d’un précédent arrêt de la chambre mixte de la Haute cour.
La Douane a formé un pourvoi et ses arguments s’agissant de la chronologie impérative issue de l’article 221 précité sont rejetés par la Cour de cassation qui confirme ainsi plusieurs fondements de la décision de la cour d’appel,… mais admet aussi à nouveau la régularisation par la communication via un acte postérieur, ici un procès-verbal d’infraction d’un montant identique.
Arguments confirmés s’agissant de la chronologie prise en compte, puis communication
Forme de la communication : l’avis de résultat de contrôle/d’enquête
Pour la Douane, la communication n’a pas eu lieu par l’avis de résulte de contrôle (du même jour que celui de la prise en compte), qui ouvre une phase contradictoire, mais par le PV de notification d’infraction qui est postérieur. Mais la Cour de cassation rejette l’argument : cet avis permettant à l’opérateur « de connaitre le montant de la dette douanière susceptible de lui être réclamée », il vaut donc communication.
Date de la communication : date de l’expédition par la Douane
La Douane avance sur le fondement de l’article 668 du Code de procédure civile que la date de la réception par l’opérateur (et non celle de son expédition par cette administration) de la lettre contenant l’avis de résultat de contrôle doit être retenue et, étant postérieure à la date de la prise en compte, la chronologie impérative est respectée. Là encore, la Cour de cassation écarte l’argument : selon le texte précité, la date de la notification par voie postale est, à l'égard de celui qui y procède, celle de l'expédition, et, à l'égard de celui à qui elle est faite, la date de réception de la lettre ; or, selon la jurisprudence de la CJUE, « le respect de la chronologie des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits doit être assuré par les autorités douanières, qui y procèdent », et il en résulte que « la date de la communication du montant des droits est celle de l'expédition de l'avis de résultat d'enquête valant communication du montant des droits ».
Remarques Pour recourir à l’article 668 du CPC ci-dessus, la Cour de cassation se fonde sur l’arrêt Molenbergnatie (CJUE, 23 févr. 2006, n° C-201/04, Belgishe Staat c/ Molenbergnatie NV, point 53) : l’article 221 précité prévoit que la communication a lieu « selon les modalités appropriées » et, pour la CJUE, en l'absence, dans la législation communautaire douanière, de dispositions relatives au contenu de la notion de « modalités appropriées » et de toute disposition attribuant compétence à d'autres entités qu'aux États membres et à leurs autorités afin de déterminer lesdites modalités, il y a lieu de considérer que celles-ci relèvent de l'ordre juridique interne des États membres ; si ceux-ci n'ont pas édicté de règles de procédure spécifiques, il incombe aux autorités étatiques compétentes d'assurer une communication qui permette au redevable de la dette douanière d'avoir une connaissance exacte de ses droits. |
Concomitance même sans préjudice (non)
La Douane avance encore que la concomitance de la prise en compte et de la communication ne cause préjudice ni à l’opérateur, ni en substance aux ressources de l’UE. Mais pour la Cour de cassation (qui se fonde classiquement sur l’arrêt Molenbergnatie précité de la CJUE qui a retenu que la prise en compte « doit nécessairement précéder la communication », point 46), « la concomitance des opérations de prise en compte et de communication du montant des droits constitue une irrégularité entachant la validité de l'avis de mise en recouvrement. »
Régularisation de la chronologie prise en compte-communication, par exemple par un procès-verbal de notification d’infraction postérieur
La Douane avance également que, même si la dette avait fait l’objet d’une communication avant sa prise en compte, elle pouvait régulariser la situation en procédant une nouvelle fois à cette communication par le PV de notification d’infraction.
La Cour de cassation confirme cette possibilité en visant les articles 217 et 221 précités et la jurisprudence de la CJUE qui a en effet retenu que, si la méconnaissance de l’article 221 par la Douane « peut faire obstacle au recouvrement du montant des droits légalement dus ou à la perception d'intérêts de retard, une telle méconnaissance n'a aucune conséquence sur l'existence de ces droits » (CJUE, 20 oct. 2005, n° C-247/04, Transport Maatschappij Traffic BV c/ Staatssecretaris van Economische Zaken, point 28) et que « les autorités douanières conservent la faculté de procéder à une nouvelle communication de ce montant dans le respect des conditions prévues au même texte et des règles de prescription en vigueur à la date à laquelle la dette douanière a pris naissance » (CJUE, 9 juill. 2008, n° C‑477/07, Gerlach & Co. NV c/ Belgische Staat, point 30). Il en résulte, selon la Cour de cassation, que, lorsque la Douane « communique une dette douanière dans un avis de résultat d'enquête, qui, en application de l’article 67 A du Code des douanes, vaut document par lequel l'administration des douanes fait connaître la décision envisagée, les motifs de celle-ci, la référence des documents et informations sur lesquels elle sera fondée, elle doit nécessairement, pour que la dette soit exigible, l'avoir prise en compte au préalable. Néanmoins, si cette dette a été prise en compte postérieurement à l'avis de résultat d'enquête mais préalablement à un acte la communiquant de nouveau au redevable, tel un procès-verbal de notification d'infraction, celui-ci régularise la communication de la dette douanière au redevable ». Dans cette affaire, ajoute la Haute cour, la Douane avait effectivement notifié à l’opérateur un PV « pour un montant identique » et l’AMR qui avait suivi était donc régulier.
Observations
Les solutions de la Cour de cassation ne sont pas surprenantes en ce qu’elles vont dans le sens de celles qu’elle avait déjà retenues dans une décision du 29 mars 2024 s’agissant tant de la date de la communication déterminée par la date du courrier de la Douane (et non celle de sa réception par l’opérateur) que de la possibilité pour cette administration de régulariser la communication par un procès-verbal d'infraction dans le respect des règles de prescription, en visant notamment déjà l’arrêt Gerlach précité (Cass. ch. mixte, 29 mars 2024, nº 21-13.403, B ; voir Communication de la dette douanière : date et régularisation, Actualités du droit, 2 avr. 2024). |
Source : Actualités du droit