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ONP et délocalisation, RCO et DEE : la CJUE confirme les solutions du Tribunal de l’UE

Transport - Douane
04/12/2024
Dans un arrêt du 21 novembre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne confirme les interprétations retenues par le Tribunal de l’UE s’agissant notamment de l’article 33 du CDU, AD, relatif à l’origine non préférentielle (ONP) dans un cas de délocalisation, mais aussi plus classiquement des limites tant du renseignement contraignant sur l’origine (RCO) que du droit d’être entendu (DEE).
Sur fond de délocalisation de production pour échapper à droits supplémentaires imposés par l’Union sur des motos originaires des USA dans le cadre de mesures de politique commerciale, le Tribunal de l’Union européenne avait retenu les solutions ci-dessous (Trib. UE, 1er mars 2023, nº T-324/21, Harley-Davidson Europe Ltd et a. c/ Commission européenne) que la Cour de justice de l’Union européenne confirme.
 
ONP et délocalisation : l’article 33 du CDU, AD
 
Intitulé « Ouvraisons ou transformations qui ne sont pas économiquement justifiées », l’article 33 de l’acte délégué du Code des douanes de l’Union dispose pour mémoire que « Toute ouvraison ou toute transformation effectuée dans un autre pays ou un autre territoire est réputée ne pas être économiquement justifiée s’il est établi, sur la base des éléments de fait disponibles, que l’objectif de cette opération était d’éviter l’application des mesures visées à l’article 59 du code [Ndlr : des douanes de l’Union] ».
 
Critère décisif. – Pour le Tribunal de l’UE dans sa décision précitée, le critère décisif pour appliquer cet article 33 est « l’objectif principal ou dominant » de l’opération en cause (ici échapper aux mesures de politique commerciale), ce que confirme la CJUE : cette interprétation « est nécessaire pour assurer l’effet utile de cette disposition », qui serait « largement privée de son efficacité si elle devait être interprétée comme ne s’appliquant pas en raison du seul fait que, outre l’objectif principal ou dominant d’éviter l’application de mesures de politique commerciale de l’Union, une délocalisation vise également d’autres objectifs d’ordre secondaire » (points 53 et 61).
 
Charge de la preuve. – Si la présomption/réputation de l’article 33 précité implique pour l’opérateur d’apporter les éléments de preuve contraire démontrant qu’il ne s’agissait pour lui pas d’éviter l’application des mesures de politique commerciale, la CJUE d’une part écarte l’argument de l’opérateur selon lequel il s’agit d’une présomption irréfragable (point 63), et d’autre part précise que cet article 33 « ne définit aucune caractéristique particulière que les éléments de fait "disponibles" doivent présenter, notamment sur le plan temporel » : ainsi, il est possible que des éléments de fait deviennent « disponibles » après la décision d’effectuer l’opération en cause, voire après la réalisation de cette opération, mais « l’objectif principal ou dominant de ladite opération ne peut être apprécié que, au plus tard, au moment où celle-ci a été décidée, comme le confirme l’emploi du passé dans l’expression "l’objectif [...] était d’éviter l’application" » (il est impossible que la décision ait été influencée par des considérations qui lui sont postérieures) (point 66).
 
Renseignement contraignant en matière d’origine (RCO) : limite de la sécurisation
 
Sans surprise, la CJUE confirme la solution du Tribunal de l’UE qui a retenu qu’une décision de RCO, prise en application de l’article 33 du CDU, « n’a pas pour objectif et ne saurait avoir pour effet de garantir définitivement à l’opérateur économique que l’origine des marchandises à laquelle cette décision se réfère ne sera pas par la suite modifiée, étant donné que, en vertu de l’article 34, paragraphe 11, de ce code, la Commission peut adopter des décisions demandant aux États membres de révoquer des décisions RCO afin de garantir un classement tarifaire ou une détermination de l’origine corrects et uniformes des marchandises » (point 109).

Droit d’être entendu (DEE) : limites classiques
 
Enonçant à l’identique les limites du droit d’être entendu exposées par le Tribunal de l’UE qui se fondait sur des décisions antérieures, la CJUE confirme sans surprise également :
 
  • que, pour que la violation DEE puisse conduire à l’annulation de l’acte en cause, il doit exister une possibilité que la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent (point 100) ;
  • et qu’il incombe à l’opérateur de rapporter la preuve, en présentant des éléments concrets ou à tout le moins des arguments ou des indices suffisamment fiables et précis, que la décision de la Commission aurait pu être différente, permettant ainsi de caractériser concrètement une atteinte aux droits de la défense (point 101).
Source : Actualités du droit